Lorena et Eliott-Jules

« j'aurais peur de tout foutre en l'air »

J'avais donné rendez-vous à Eliott ici, tout simplement parce-que je trouvais que la piscine et ses environs offrait un cadre vraiment parfait, idéal pour une petite discussion entre amis. J'avais remarqué que le comportement d'Eliott avait changé depuis notre arrivé à Amsterdam, il était plus distant, comme si il ne voulait pas s'avouer quelque chose, ou bien qu'il regrettait un fait. Curieuse de nature, et voulant connaitre la raison de l'éloignement de mon ami, je n'avais trouvé qu'une solution : essayer de lui soutirer des informations en lui donnant rendez-vous, je ne voulais pas le brusquer. Eli', d'un tempérament protecteur, détestait pourtant être sur-protégé. Le fait de lui avouer que je m'en faisais pour lui le blesserait peut-être, et je ne voulais pas tenter le diable. Je l'attendais déja depuis 5 bonnes minutes, sans qu'il n'aie pointé le bout de son nez. "Il ne viendra pas", pensais-je. Pourtant, je restais là, les bras croisés, attendant un bruit de pas s'avançant vers moi, sa voix que j'aimais tant prononcer mon nom de cette façon si tendre dont il avait l'habitude d'user... Mais toujours rien. Finissant par m'impatienter, je pris la décision de m'assoir sur un transat, histoire que cette longue attente me vale un bronzage minime. J'enlevais discrètement ma robe légère blanche et me retrouvais ainsi en maillot de bain, au milieu d'une bande d'étudiants venus profiter du beau temps pour faire un concours de plongeon. J'entrepris d'appeler Eliott, qui bien sûr avait du encore une fois oublier son portable car je tombais sur la messagerie - que je connaissais par cœur, il en va de soi. Je raccrochais et ne laissais pas de message, il devait être en route. Pourtant, il n'y avait pas tant de temps entre les dortoirs et la piscine, quelques minutes à peine...! Qu'est-ce qui pouvait bien lui prendre autant de temps ? Il avait peut-être rencontré un professeur à qui il avait demandé des explications sur un cours, ou bien un ami ... Ou une amie, cela, je ne le savais pas. Quand je commençais à perdre tout espoir d'avoir droit à mon entrevue avec lui, j'aperçus Eli' au loin, marchant droit vers moi, une serviette de plage sur les épaules. Mon cœur fit un bond, pour je ne sais quelle raison : à chaque fois que je le voyais, il m'éblouissait. J'avais beau le connaitre depuis des lustres, jamais je ne me ferais à sa beauté suprême. Il n'y avait plus que quelques mètres entre nous deux, et j'étais ravie de pouvoir enfin le revoir, seul à seul.

A peine les paroles d'Eliott proférées, je ne pus me retenir de sourire : sa bonne humeur me contaminait, je ne pouvais y résister. Assis ainsi à mes pieds, avec sa petite tête d'ange aux yeux étincelants me toisant, j'oubliais jusqu'à son retard, qui en temps normal lui aurait valu quelques remontrances de ma part. "Hey, enfin te voila !", fis-je d'un ton enjoué. Je repris mes esprits. "No problem pour le retard, ça arrive à tout le monde de se tromper !". Je lui avais dis cela afin de le rassurer, mais au fond j'étais quand même un peu triste qu'il réussi à oublier l'heure de notre rendez-vous, que j'avais pour ma part écrit en gros sur mon agenda (avec un cœur à côté, mais chut !). Le regardant jouer avec ses magnifiques cheveux, je décidais de reprendre la conversation comme si de rien n'était, avant de passer au point fatidique, qui serait de connaitre la cause de cette subite crise d'éloignement qu'Eli' me faisait. Je m'asseyais sur le transat, histoire de lui faire une place à côté de moi, comme au bon vieux temps. Stressée, je jouais maladroitement avec mes boucles afin de me calmer, et cela marcha plus ou mien bien. J'eus tout de même une sensation bizarre quand Eliott s'assit à côté de moi, comme si un courant électrique passait entre nous deux. Je me perdais soudainement dans mes pensées, me demandant si j'aimais Eliott en amitié, ou bien d'une façon plus approfondie ... Je me rendis compte qu'un silence à couper au couteau s'était installé entre nous, et je détestais ça."J'espère que tu vas bien, on se vois de moins en moins ces derniers temps ... !". J'avais tenté de prendre un ton détaché, ne voulant pas montrer l'importance que je donnais à cet ami, mon meilleur ami depuis maintenant très longtemps. J'espérais sincèrement qu'il allait bien, après tout n'est-ce pas ce qu'une meilleure amie pouvait espérer ? Mais au fond de moi, je me demandais avec qui il passait tout ce temps, qui il avait trouvé pour me remplacer... Trop sentimentale, je m'attachais énormément aux gens, et n'arrivait pas à les lâcher si facilement. J'en aurais pleuré pendant des années, si j'avais su qu'Eli' me remplaçait avec quelqu'un d'autre, si il avait trouvé quelqu'un d'autre à qui se confier, quelqu'un qui aurait pour lui la même importance que celle que je lui accordais ... Mais je me posais sûrement trop de questions.

J'ai toujours adoré le caractère changeant et imprévisible de mon meilleur ami, et c'était d'ailleurs pour ça que je l'aimais en grande partie : sa simplicité, son cœur énorme, sa connerie aussi ... Il était parfait à bien des égards, et je ne cessais malgré moi de l'idéaliser. Encore ruisselante, je commençais à peine à sécher lorsqu'il me demanda si l'eau était bonne. " Oh oui, très bonne même ! Tu veux aller tester ? ". J'espérais de tout cœur qu'il dirait oui, et que nous irions nous baigner ou même juste tremper nos pieds dans l'eau ... Après tout, pourquoi ne pas en profiter, nous étions tous les deux là au soleil, la piscine nous tendait les bras ... En attendant sa réponse, je me perdis dans ses magnifiques yeux qu'avait Eli' : un éclat de malice les traversait, comme toujours. J'arrivais à me perdre dans la profondeur de son regard en moins d'un instant, ce qui pouvait être lourd en conséquence, et provoquait une grand inattention de ma part. Il ne savait pas à quel point il m'émerveillait, juste par le fait d'être ici, à côté de moi, me parlant ... Il m'avait tellement manqué, ces dernières semaines, que j'avais l'impression de le redécouvrir de seconde en seconde. Malheureusement, je me rendis compte qu'il avait éludé ma question sur le fait qu'on se voyait moins souvent, et ne me répondant pas non plus pour me dire s'il allait bien ou non, ce qui eut le don de m'inquiéter. Néanmoins, je ne laissais rien paraître et me consolais en comptant le nombre de secondes qu'il mettait pour réfléchir à ce qu'il allait dire. J'en étais déjà à 15 quand il se décida enfin à ouvrir la bouche, et je m'avançais vers lui afin de mieux l'entendre.

Eliott était content de pouvoir décompressé, de pouvoir s’échapper de son quotidien infernal de Paris où les malheurs s’enchaînaient aux autres pour former une chaîne qui lui compressait le cœur avant d’éclater. Amsterdam était pour lui le moyen de s’échapper de cela et de souffler. Cependant aujourd’hui, il ne voulait rien montrer de ses petits, ou plutôt grands, soucis personnels. Pourquoi ? Tout simplement parce que, déjà, il était en retard à son rendez-vous avec sa meilleure-amie d’enfance et une des femmes pour qui il avait des sentiments mais aussi parce que devant elle, il ne voulait rien montrer, histoire de la protéger. Il savait très bien que c’était des broutilles mais il ne pouvait pas s’en empêcher. Devant les personnes qui comptaient pour lui, il était comme cela, c'est-à-dire un roc solide pour qu’elles puissent se reposer sur lui. En plus de les protéger évidement. Le jeune homme était ainsi. Il ne comptait pas changer de comportement. Alors pour faire diversion aux questions trop gênantes de Lorena, il la poussa dans l’eau en riant de malice. D’ailleurs il ne tarda pas à la rejoindre, faisant par la même occasion une bombe pour finir par couler la jeune femme. Tu vas regretter de m’avoir emmener ici ! Dit-il ironiquement avant de re-couler la demoiselle. C’était un de ses passes temps favoris depuis qu’ils étaient enfants. Lorena était facile à couler au grand plaisir d’Eliott. Tu me dit quand tu en a marre ! La prévient-il quand même, au cas où même s’il n’avait pas très envie de s’arrêter. Tu sais que je ne savais même pas que tu venais ici ! J’étais surpris quand je l’ai appris !

HJ : désolé, c'est de la merde !

Enfin, nous étions dans la piscine, tout les deux, jouant comme des enfants, naïfs au possible. On se posait peu de questions, ou du moins on tentait de stopper l'incessant flot qui nous emprisonnait la tête. Taquin, mon meilleur ami n'hésita pas une seconde à me couler sans répit, ne me laissant guère le temps de reprendre ma respiration entre deux vagues, mais je ne pouvais pas me défendre. " Attends, tu vas voir ! " lui dis-je d'un ton malin. Je réussis à m'éloigner de lui et de ses mains super-puissantes qui n'avaient aucun mal à me retenir, sorti de la piscine, et plongeait droit sur lui. Malheureusement, douée comme je l'étais, je le ratais et cette bourde le fit bien rire. " Hé, te moques pas vas ! Méchant ! ". J'avais l'habitude de provoquer Eli' afin qu'il vienne me voir, et prenne soin de moi comme il le faisait tout le temps. Avec lui, j'avais toujours eu l'habitude d'être dorlotée, chouchoutée, aimée comme une petite princesse, depuis notre rencontre. C'était un homme très attentionné, drôle, sportif, compétitif ... Parfait, en gros. Néanmoins, il était sûrement trop sentimental, ce qui en un sens était génial, mais lui faisait beaucoup de mal, en particulier avec les filles et les diverses ruptures qu'il m'avait compté. Je réussis à me rapprocher de lui sans qu'il ne tente aucun coup bas, et nous nous mîmes à parler de tout et de rien, notamment de l'échange auquel nous participions donc tous les deux. " Ha, moi non plus je ne savais pas que tu venais ! Quelle surprise quand je t'ai aperçu, au début je croyais rêver ! Mais c'était un beau rêve rassures-toi ... Je suis contente de te retrouver ici, tu ne peux pas t'imaginer à quel point mon Eli' ! Si tu savais comme tu m'as manqué, et comme je voulais te revoir ! Bon, je sais bien qu'on gardait contact via MSN et nos portables, mais c'est quand même pas pareil ... Ah, je t'aime Eli' ! ". Sur ces dires très spontanés, je déposais un bisou sur la joue du jeune homme, magnifique même les cheveux mouillés.

La piscine était le lieu de prédilection pour toutes sortes d’activités. Sportive tout d’abord. En effet, Eliott avait l’habitude de nager pour décompresser mais aussi pour entretenir son corps auquel il tenait tant. Il faisait des longueurs et des longueurs en veillant à ne favoriser aucune des quatre nages qu’il maîtrisait parfaitement. La piscine ne représentait pas pour lui, seulement, un de ses sports favoris mais aussi une activité à faire entre amis. Eliott avait ce plaisir, presque sadique, d’aimer couler les gens ou sauter près d’eux pour les éclaboussé. Il restait un grand enfant même avec l’âge. C’est pourquoi aujourd’hui il avait rendez-vous avec la belle Lorena, sa meilleure-amie, ici même, c’est à dire dans la piscine pour passer un agréable après midi. Après l’avoir coulé quelques fois, une dizaine de fois surement, il la laissa reprendre son souffle avec un sourire taquin dessinait sur les lèvres. Il ne manquerait plus qu’elle s’étouffe alors qu’ils jouaient ! Cependant, Lorena voulait sa revanche et le jeune homme comprenait tout à fait, cette envie. Il aurait fait de même s’il avait été à sa place. Au lieux de le couler, comme il l’avait fait avec elle, elle sortit de l’eau et plongea prête à l’éclabousser. Le problème c’est que Lorena, reste Lorena, une jeune fille très maladroite qui rate sa bombe et arrosa quelqu’un d’autre. Ce qui fit beaucoup rire Eliott. Le jeune homme ne savait pas que Lorena participait à cet échange. Pourtant, il aurait du le savoir. Cet échange concernait deux universités, les plus prestigieuses : La Sorbonne, université Parisienne et Yale, université Américaine. Lorena étudiait à Yale et cela, Eliott le savait. D’ailleurs, c’était le rêve de la demoiselle d’étudiait dans cette université, rêve qu’elle avait confiait au jeune homme dans leur enfance. Oui, il s’en rappelait très bien, parce que toutes les choses concernant Lorena, il les retenait très bien tant il tenait à la jeune femme. Bref, puisqu’il savait tout cela, il aurait du, au moins, lui poser la question sur cet échange, lui demandait si elle venait. Mais il avait oublié. Ou plutôt, avait d’autres soucis en tête que cela. Et il s’était dit que si elle y participerait, ils se retrouveraient dans les couloirs des bâtiments, chose vraie et qui s’est passée. Tout est bien qui finit bien ! Eliott se rapprocha de la jeune femme qui lui déposa un délicat baiser sur la joue. Eliott ne put s’empêcher d’apprécier ce bisou. Il prit Lorena dans ses bras, tout aussi délicatement que son doux baiser. Les deux avaient toujours été très tactiles, surtout Eliott qui adorait câliner Lorena. Comment vont tes parents ? Demanda-t-il à la jeune femme.

A cet instant précis, j'avais l'impression que les relations qu'Eliott et moi avions auparavant étaient là, de nouveau. J'avais enfin retrouvé mon meilleur ami, celui avec qui je riais, jouais, discutais pendant des heures, dansais, me confiais, pleurais, me promenais de villages en villages lorsque j'habitais encore en France … A ces magnifiques souvenirs, un sourire s'empara de mon visage, et je ne pus m'empêcher de soupirer : est-ce qu'un jour nous referions toutes ces choses là, tous les deux ? Car il fallait bien l'avouer, il y avait eu comme une cassure entre nous deux, pendant le temps où nous ne nous communiquions que par MSN, ou bien par le biais de nos portables … Lorsqu'il me prit dans ses bras musclés par des années de sport, je me sentais enfin à ma juste place, comme si j'étais enfin entière. Quel sentiment bizarre, et si poignant ! Ainsi entremêlés tous les deux, je trouvais que c'était comme au bon vieux temps, lorsque nous étions plus jeunes et insouciants, lorsque les sentiments étaient simples et non-ambigus entre nous. « Comment vont tes parents ? » me demanda-t-il, soudainement. Il était vrai qu'Eliott avait bien connu mes parents du temps où j'habitais en France : nos deux familles se côtoyaient assez souvent, et s'appréciaient d'ailleurs énormément. Je me rappelle encore de tous ces dîners, barbecues et anniversaires que l'on organisait entre nos deux familles … Sur les cartons d'invitations, on pouvait toujours lire « Lacroix - Pride », ce qui m'avait toujours fait bien rêver … Petite, je m'étais toujours imaginée portant un jour le doux nom de mon meilleur ami, sans arrière pensée ou plan machiavélique. Maintenant, que je repensais à ce vœux, je me demandais si des prémices d'un sentiment autre que de l'amitié n'étaient pas présents. « Oh, ils vont très bien ! D'ailleurs, ils n'ont pas arrêté de me parler de toi depuis notre déménagement tu sais … Eliott va bien ? Quand vous reverrez-vous ? » Je me gardais bien de lui avouer que mes parents m'avaient aussi demandé la date de notre mariage, pour rire. Cela ne m'avait pas du tout amusée, plutôt rendue mélancolique. « Et les tiens, toujours dans la capitale ? Tu leur passeras le bonjour si jamais tu leur écris ou les appelles ! » Les parents d'Eli avaient toujours été très gentils avec moi, me considérant parfois comme leur propre fille. En effet, j'étais constamment avec Eliott et Juliette, sa petite sœur de quelques années à peine. Nous aurions pu former une fratrie plus que parfaite, si jamais nous avions eu les mêmes parents. Ah, que j'avais rêvé de cette issue souvent, lorsque je vivais en France !

Je ne pourrais décrire le sentiment qui me parcourait tandis qu'Eliott prononçait cette ultime phrase. Un mélange de tristesse, de honte, le sentiment de ne pas avoir été là pour lui, mais aussi celui d'une trahison, après tout il ne m'avait même pas appelée pour m'annoncer la nouvelle ! Malgré tout, je savais qu'il fallait absolument que j'arrive à me rattraper, et à la consoler du mieux que je pouvais. Je sortis rapidement de l'eau, pris ma serviette en passant et le rattrapais aussi vite que je le pouvais. Il était triste, et cela me rendait malade, me rendant dans le même état que lui. Je respirais un bon coup, et essayais de parler. " Je ... tu sais que je suis navrée, Eli'. Je ... " Ma voix était toute tremblante, mes yeux embués de larmes salées. Il fallait que je trouve les mots, il le fallait ! " Tu sais, je serais toujours là pour toi, quoi qu'il arrive ... Mais pourquoi ne me l'as-tu pas dis avant ? Tu ne sais donc pas que tu peux tout me dire, qu'importe la distance, qu'importe le fait qu'il y ai une autre fille dans ta vie, ou bien que nos sentiments ne soient plus les mêmes qu'avant ? " Complètement débile, je le grondais alors qu'il venait de m'annoncer qu'il avait perdu son père, et que sa mère l'avait abandonné. Je manquais cruellement de tact, et ça ne datait pas d'hier. Je pris doucement les mains d'Eliott, qui n'opposa aucune résistance. Je plongeais mon regard dans le sien, pour lui dire que je compatissais, que j'étais désolée de m'être emportée, que je l'aimais ... Ce regard signifiait tellement de choses que je le laissais durer, plusieurs minutes d'affilée sans jamais sourciller. Puis, délicatement, j'entrepris de me blottir contre Eliott, comme nous le faisions toujours dans les situations difficiles. Là, j'étais à même de trouver les bons mots, le plus naturellement du monde. " Eliott, si jamais tu as besoin, tu sais que je suis là. Que je le serais toujours. D'ailleurs, il faut que tu saches que ... Tu seras toujours dans mon cœur, quoi que tu fasses, et même si jamais tu essaies d'en sortir d'une façon ou d'une autre. Tu y es gravé à jamais. "

Après tout, je n'étais qu'une simple jeune fille assistant à la tristesse insoutenable de mon sois-disant "meilleur ami". L'envie de le consoler était plus forte que tout, et malgré cela je n'arrivais vraiment pas à trouver les bons mots, je m'emmêlais les pinceaux en un rien de temps. Soucieuse de son bonheur, j'étais prête à tout afin de le voir sourire comme avant, qu'on rigole tous les deux comme on le faisait en France, qu'on puisse être ensemble sans être obligés de se réconforter pour des histoires de familles comme celle-ci, qu'on soit heureux et qu'on profite de notre vie ... C'était ça qui, selon moi, devait être rétabli très vite. En faite, mon but était de réussir à refaire sourire Eli' quoi qu'il m'en coute, son sourire m'était vraiment plus que précieux. Je n'oserais pas dire qu'il m'était vital, mais presque. Devoir supporter son visage triste et vide m'était insupportable, il fallait absolument que cela cesse dans les plus brefs délais. Absorbée dans mes pensées et par la même occasion dans son regard si magnifique, je ne fus pas le moins du monde choquée lorsqu'il m'embrassa tendrement. J'avais l'impression que c'était dans l'ordre des choses, que ça devait être fait et qu'il n'y avait pas à discuter sur ce qui venait de se passer. Comme si j'avais su que ça allait arriver, comme si c'était prévu depuis la nuit des temps, et comme si nous étions fait pour être ensemble Eliott et moi. J'étais heureuse de cette révélation entre nous, car il y avait bien longtemps que des doutes subsistaient en moi en ce qui concernait la vraie nature de notre relation. Nous avions toujours prôné le fait que nous étions meilleurs-amis devant tout le monde, mais il est vrai que depuis tout petits, c'était un sentiment bien plus fort qui nous unissait, du moins je le croyais. Il y avait toujours eut des quiproquos entre nous, des regards et des gestes qui voulaient tout dire mais que nous n'avions pas assez pris le temps d'écouter et d'analyser... Au jour d'aujourd'hui, j'avais enfin la preuve que je ne m'étais pas de film, et je pouvais aussi m'avouer que j'aimais Eliott, d'autre chose qu'une amitié fusionnelle ou bien d'un sentiment de fraternité. Je l'aimais bon dieu, je l'aimais ! Et c'était si bon de pouvoir arrêter de se mentir à soi-même, de se dire que " Non, je ne l'aime pas, c'est juste un ami ... " Le fait d'être près de lui sans pouvoir me rapprocher encore plus m'avait toujours brisée intérieurement. Maintenant, il ne fallait pas que je me monte la tête non plus, il ne s'agissait que d'un baiser. Mais pour moi, il voulait tout dire. Vraiment tout. " Et bien, non. Ne t'excuses surtout pas d'avoir fais ce qui te semblais le plus judicieux. " Sur ces mots, je lançais un regard de braise à Eliott, et lui rendis son baiser, un peu plus poussé malgré toute la retenue que j'essayais de prendre. Lorsque mes sentiments atteignaient un tel degré, il était très difficile de me canaliser et d'essayer d'éteindre le feu qui me rongeait. Je n'irais pas jusqu'à dire que je le désirais, là au milieu de la piscine, mais au moins que je désirais ses lèvres contre les miennes, et ses mains sur ma peau. Du moment qu'il était près de moi, j'étais comblée.

Alors que nous nous embrassions depuis quelques minutes déjà, le doute commençait à s'emparer de moi : il m'embrassait moi, certes, mais était-ce sincère ? Car nous avions traversé tant de choses ensemble, nous aurions très bien pu céder bien avant aujourd'hui... Je me posais certainement trop de questions, et décidais de les laisser pour une fois de côté, m'abandonnant toute entière à Eli' et à ce que nous étions en train de faire. " Et alors, quelques soient les bêtises qu'on pourrait faire, ne serais-tu pas heureux ? Et puis, c'est pas comme si on allait enfreindre la loi ... " Je ne savais que trop bien à quoi il pensait quand il parlait de "bêtises". Franchement, j'en avais envie moi aussi, mais quelque chose me dit que ça ne se passerait certainement pas comme je l'aurais voulu. Amis de longue date, les sentiments étaient peut-être trop forts pour atteindre un tel degré d'intimité si vite après des retrouvailles, aussi romantiques soient-elles ? Et zut, le flot de questions que j'avais décidé de laisser tomber revenait au galop, et je dus couper court aux tendres baisers qu'Eliott et moi échangions. " Laisse moi quelques instants, veux-tu ... " Je le regardais bien dans les yeux, histoire de lui faire comprendre que je n'avais rien contre lui ni ce que nous venions de faire, mais que j'avais simplement besoin de temps et de quelqu'un pour me guider. L'amour, qu'est-ce que c'est compliqué ! Surtout dans notre cas, où les années avaient fait flamboyé cette douce flamme dans nos cœur, puis où la distance nous avait peu à peu déchirés, et enfin où ces magnifiques retrouvailles à Amsterdam nous avaient plus que rapprochés. Du temps. Il m'en faudrait un peu afin de réaliser ce qui se passait, pour pouvoir aller de l'avant. Dans mon esprit, il fallait qu'Eliott change de place, qu'il ne soit plus l'ami qu'il avait été mais bien autre chose, une autre personne, enfin ... Il fallait que je me dise que maintenant, c'était sûrement un autre lien qui nous unissait. Alors que j'étais allongée contre lui, le déclic se fit très rapidement et le plus naturellement du monde. J'étais prête à m'avouer pleinement que je l'aimais, et à me dire que non, je n'avais plus rien à craindre, que je pouvais afficher mes sentiments au grand jour sans avoir peur d'être considérée comme celle qui craque sur son meilleur ami. Finie, cette époque. Dans un murmure, je glissais un mot dans l'oreille de celui que j'aimais depuis si longtemps : " Tu sais ... Je crois que ... que je t'aime. " Moi qui manquait souvent de tact ou de courage, je pouvais être fière de moi ! Je m'étais livrée pour la première fois, aussi facilement que cela me paraissait incroyable. Mais maintenant, il n'y avait plus qu'à espérer que cela n'allait pas trop vite pour celui à qui je venais de livrer mon cœur...

J'étais complètement sonnée. Cette révélation trancha l'épais silence qui s'était emparé de la piscine, à présent complètement déserte. A vrai dire, j'aurais préféré que ce silence ne s'arrête jamais plutôt que d'entendre une telle chose, si frappante qu'elle m'aurait fait perdre l'équilibre si je n'étais pas assise au fond du transat, bien calée. J'en serais tombée, j'en étais sûre, ce que venait de dire Eliott était un choc pour moi. Voyant partir celui avec qui je venais d'échanger de tendres et passionnés baisers, je me dis que j'avais finalement eu raison de me poser tant de question tant qu'à la signification pour lui de ce que nous venions de faire. Mais maintenant, c'était une toute autre question qui chamboulait mon esprit : le rattraper et exiger des explications, ou bien rester là, abandonnée à mon triste sort ? Prenant mon courage à deux mains, j'optais pour la première solution, qui me semblait la meilleure et la plus courageuse. J'inspirais, prenant le maximum d'air possible en vue de me diriger vers Eliott. Malheureusement, mes jambes ne m'obéissaient plus. J'étais coincée là, sans trop savoir pourquoi mon corps réagissait comme ça. C'était si excessif ! J'essayais une nouvelle fois de me lever sans succès : je retombais aussitôt dans un grand fracas, le plastique du transat se fendant sous cette pression soudaine. C'était donc à ça que j'étais réduite, à rester là comme une idiote sur un transat, après avoir embrassé un ami que j'aimais d'une autre façon - du moins, c'est ce que je croyais. Commençant à m'apercevoir de la portée des mots prononcés quelques instants plus tôt par Eliott, des larmes chaudes et salées se mirent à couler sur mon visage, suivant de multiples petits sillons allant de mes yeux pour s'échouer sur mes lèvres, là où il y a deux secondes étaient posées celles de celui dont je voyais la silhouette s'éloigner lentement. C'était maintenant ou jamais si je souhaitais avoir une explication. Je réussis tant bien que mal à me lever sans me rétamer, et à avancer de quelques pas. " Eliott ... Eliott ! Ne fais pas comme si tu ne m'entendais pas ! " Haletante, continuant de pleurer comme une petite fille, j'avançais aussi bien que je le pouvais, bravant les limites de mon pauvre cœur meurtrit qui imposait l'immobilité à l'ensemble de mes muscles. Je me battais pour avancer, je me battais pour Eliott. Comme je l'avais toujours fais. Mais cette fois c'était différent, cette fois pourrait bien être la dernière. Je détestais être constamment dans l'attente d'une réponse, d'un " Oui " ou d'un " Non " bien tranché. Être dans l'ignorance absolue me tuait. Je décidais de trottiner jusqu'à Eliott, jusqu'à pouvoir l'arrêter et me placer devant lui. Je le fusillais du regard, les larmes coulant toujours à flot sur mes joues qui avaient sûrement rosi sous l'effet de la tristesse mêlée à une colère légère que le personnage face à moi m'inspirais. " Maintenant, ne te défile pas. Oses me dire que tu ne ressens rien pour moi, enfin que tu ne ressens pas la même chose que moi j'ai à ton égard ... Oses pour une fois, s'il te plais. " Je le regardais d'un air implorant, en tâchant de lui faire comprendre que cette fois était sa dernière chance, sa dernière chance de mettre la situation au clair avant que je renonce définitivement à lui. J'avais peut-être une tête d'ange, mais je savais très bien faire une croix définitive sur quelqu'un, je peux vous l'assurer.

J'étais prête à recevoir les explications plus ou moins claires d'Eliott, prête à recevoir un couteau en plein cœur qui m'achèverait. J'étais prête à tomber par-terre, à tomber des nues, à une désillusion, à voir mon beau rêve prendre fin, à me résoudre que finalement il avait enfin compris que je n'étais rien pour lui. Au lieu de tout cela, ce que j'entendis fis palpiter mon cœur aussi vite qu'une mitrailleuse, si bien que je cru tout d'abord avoir mal entendu. « Lorena … je suis désolé … Bien sûr que je ressens la même chose que toi. Je t’aime ! J’ai eu peur d’entendre ses mots parce que moi dans ma tête, je n’étais qu’un ami. Si tu veux bien de moi … je suis prêt à rester … » Haheum, on la refait ? Je crois que mes oreilles étaient belles et bien bouchées, au moment où Eli' prononçait ces mots. Lui, avouer ENFIN ses véritables sentiments pour moi, laissant tomber cette armure de pudeur qu'il avait tant aimé cultiver autour de lui ? Je dus me faire à la réalité, il venait de me dire qu'il m'aimait. Je ne savais plus du tout quoi faire ni que dire, j'étais comme totalement pétrifiée. La bouche grande ouverte, les yeux écarquillés, j'observais celui qui venait de se livrer avec un air ébahit. Comme un enfant le jour de Noël, qui s'aperçoit que le cadeau qu'il désire depuis tellement longtemps est là, sous le sapin, bien emballé et prêt à être ouvert. Si Eliott était tout simplement mon cadeau de Noël, attendant que je le déballe avec bonne humeur ? Car après tout, nous étions en période de fête, et peut-être était-il mon cadeau... J'entrepris enfin de faire un geste qui fit comprendre à Eliott que j'avais bien compris ce qu'il venait de dire : je pris ses mains tendrement dans les miennes, les serrais le plus fort possible, sentant ses phalanges sous sa peau. C'était un instant purement magique, que j'aurais voulu garder à jamais dans ma mémoire. Tout était si beau, si parfait, comme dans un conte de fée qui fini bien après une tonne de péripéties plus folles les unes que les autres. Car oui, notre histoire était un roman, et nous en écrivions actuellement la page centrale. Tout ce que nous avions pu enduré par le passé constituait le livre premier, et le deuxième serait plus passionné que jamais. Prenant un ton aussi distingué que je le pouvais dans cette situation, j'entrepris de détendre l'atmosphère. " Et bien très cher, qu'attendez vous pour me prouver une nouvelle fois votre amour ? Auriez-vous oublié ce qui plait particulièrement aux dames ? " Embrasse-moi Eli', embrasse-moi ! Comme si c'était notre premier baiser, comme si tu m'aimais comme un fou, comme si tu y croyais ! Embrasse-moi non de dieu !

Je me doutais bien que quelque chose d'improbable allait encore arriver, et c'était bel et bien le cas : nous étions coincés là, autour de la piscine, et obligés d'y rester jusqu'au lendemain matin. « Nous sommes de parfaits clandestins, tu sais que nous devrions déja avoir regagné nos dortoirs ?  » , dis-je d'un ton totalement machiavélique. En faite, je ne voyais que du bon dans cette situation, et être coincée ici avec Eliott n'était pas vraiment quelque chose qui me déplaisais. Bon, si ça avait été quelqu'un d'autre ça aurait été le cas, mais j'étais actuellement avec la personne que j'aimais le plus au monde, et nous avions la nuit pour nous deux. Que pouvais-je bien demander de plus ? Ajouté à cette parfaite soirée qui s'annonçait, il y avait aussi le fait qu'Eliott et moi avions tous les deux ouvert notre cœur à l'autre, et que nous étions maintenant l'un sur l'autre, et nous embrassant comme deux vrais amoureux sur un des nombreux transats mis à disposition pour ceux qui auraient l'idée de se baigner. Ainsi enlacés, je pouvais entendre le battement du cœur d'Eliott, qui semblait s'affoler à chaque nouveau baiser que nous partagions. La confirmation de son amour était belle et bien là, et je me détendis totalement pour la première fois depuis mon arrivée à notre rendez-vous, devenant ainsi la Lorena qu'il connaissait, sans plus aucune crainte ni restriction. Bon, pour la restriction on repassera : je savais que si nous étions coincés ici tous les deux, seuls et avec des transats à disposition toute une nuit, il allait forcément se passer des choses plus ou moins « vilaines » et ne pouvait m'empêcher d'éprouver une peur, minime cependant. Il fallait bien que ça arrive, depuis le temps que la situation devenait de plus en plus propice à ce genre d'action. Je serrais les dents, ce qui eut pour effet de stopper nos baisers. Heureusement je réussis à me ressaisir, et j'embrassais à nouveau Eliott tout en gardant sa main serrée dans la mienne. On aurait presque pu croire à une scène de film romantique en nous voyant là, tous les deux. La suite était à prévoir ...

Ainsi, Eliott avait comprit que quelque chose n'allait pas, il avait réussi à déchiffrer cela en un regard. Qu'il était doué ! Malgré cela, je ne pouvais vraiment pas lui dire que j'avais des appréhensions en ce qui concernait ce qui pourrait bien se passer ensuite, de peur de passer pour une vulgaire sainte-ni-touche même si j'étais sûre qu'il comprendrait. Au lieu de lui fournir la vérité sur un plateau d'argent, je préférais inventer un mensonge, ou plutôt lui livrer le premier qui me venait à l'esprit. " Non, ce n'est rien ne t'en fais pas. C'est juste que ... Quand je repense qu'on aurait du faire ça depuis si longtemps ... Ça me trouble. " Véritable réponse éludée, et pourtant on reste dans le même registre : PAR-FAIT ! Non pas que je tentais de mentir à Eli', enfin un peu, mais je voulais simplement qu'il ne s'en fasse pas pour moi, et mes appréhensions débiles. Si jamais quelque chose devait se passer, cette chose se passera point. Et puis, ce n'était pas la mer à boire. Je crois que c'était surtout le fait d'avoir été si proche d'Eliott et de franchir un autre cap beaucoup plus charnel et passionné que m'effrayait. Voyant qu'Eliott ne gobait absolument pas mon misérable mensonge, je renonçais à cacher la vérité. " Bon, en faite, j'ai tout simplement peur de ce qui pourrait se passer si on continue à cette allure ... " J'espère qu'il avait compris, car je ne répéterais pas. Cela me semblait si bête, mais je ne pouvais pas éviter ma peur. Peur d'aller trop vite, peur de franchir le cap avec celui que j'avais pratiquement considéré comme mon propre frère, au même niveau que Nathan (mon vrai frère). Afin de faire oublier tout ça à Eliott, je souris et m'approchais vivement de lui, espérant que le malais auquel nous étions sujets passerait aussi vite qu'il était apparu.

Les paroles d'Eliott tombèrent, et je fus libérée d'un seule coup. Oh bien sûr, je savais que jamais il ne me forcerait à quoi que ce soit ou bien qu'il irait trop vite avec moi, j'avais juste un trop plein d'idées pessimistes dans la tête. Il fallait que je pense au présent, et surtout à vivre dans l'instant. Ce qui comptait, c'était moi et lui, point final. Je souris, un de ces grands sourires sincères qui vous montrent à quel point vous êtes heureux, comblé, que ce soit par ce que l'autre vient de dire ou juste par sa présence. Car c'était tout ce qui comptait, non ? Le fait qu'on soit en bonne santé tous les deux, ensemble. Le reste n'avait plus vraiment d'importance à côté de cela, j'en étais convaincue. J'accordais peut-être trop d'importance à notre histoire mais je trouvais qu'elle le méritait, avec tout ce que nous avions traversé ... Toujours en souriant, je passais mes mains sur la nuque de celui que j'aimais plus que tout et, tendrement, me blottis contre lui dans une étreinte qui se voulait chaleureuse et intime à la fois. Tout était parfait à cet instant : l'endroit, le moment, la personne, le cadre... Rien ne pouvait gâcher ça, même pas une pluie torrentielle ou un orage puissant, ni même une tornade ou bien le réveil d'un volcan éteint depuis des générations. Car ce qui se passait entre nous dans cette piscine relevait bien plus de l'irréel que du rationnel, du rêve que de la réalité, du fantasme qu'à la vie. Dans un souffle apaisé, je lançais à Eliott : " Ne t'inquiète pas, tout va bien. Maintenant que tu es là avec moi, rien ne peut plus me faire peur ou bien me contrarier. Je t'aime trop pour me laisser aller à des émotions aussi débiles que la peur de franchir ce pas, alors que j'en ai moi-même très envie... Tu sais, j'ai pas toujours été très nette dans ma tête, hein ... " Tentative d'humour assez nulle je l'avoue, mais j'étais sûre que ce que j'avais dis juste avant serait oublié, masqué par cette phrase sans aucun sens.